Habituellement, durant la mauvaise
saison, le dimanche matin est consacré à la ballade des ânes. Mon oncle prend Arthur, ma mère s’occupe de Pink et je monte Mimoun qui m’a finalement acceptée sur son dos sans faire d’histoires.
Idem pour le filet et le mors. Je subodore que sa flemme immense l’incite à la non rébellion. Et nous avons récemment réussi à trotter. Même si on est encore loin du Prix d’Amérique, je suis
surprise de sa relative obéissance à mes jambes et surtout à ma voix (une sorte de cri primitif hystérique « trrrrrrrrrrrrrrrotter ! »).
Mais ce matin, pas de ballade pour moi. Ce midi, il était prévu de fêter l’anniversaire du père de Pascal, mais mon Namoureux a une fièvre de
cheval (ah ah ah) depuis deux jours et nous sommes restés à la maison.
Cependant, après le repas, j’ai lâchement abandonné mon malade pour rejoindre, après 40 minutes de route, ma mule.
Ma mère et mon oncle se sont mis en devoir de me conter leurs péripéties du matin : comment ils avaient d’abord sorti les ânesses pour
une mini promenade, trop mini à leur goût puisqu’elles avaient rechigné à rentrer au bercail, puis sorti un Arthur désorienté et perdu sans les copines. Ils m’ont ensuite dit qu’Ulsan avait
trouvé une nouvelle maman : « Viens voir ». Nous avons mis (non sans difficulté) un licol à Arthur, nous l’avons sorti de l’étable et hop, une petite mule l’a docilement suivi.
Nous avons ainsi fait quelques aller-retour jusqu’à la grand’porte, au pas et au trot, Arthur donnant des ruades de ci de là quand la petite (plus grande que lui au demeurant) le suivait de trop
près.
Nous avons alors enfermé le jeune hongre et entrepris de mener nous même Ulsan. Exercice périlleux car cette petite chèvre grimpait partout
pour nous échapper.
Puis ma petite famille est partie en vadrouille, me laissant seule pour tenter de toucher mon farouche bébé. Pour qu’elle ne se sente pas trop
seule pour ce travail, je l’avais enfermée avec Arthur. Une heure de match, score : un partout. Je l’ai frôlée, elle m’a frôlée. De son postérieur gauche. Sale bête. Dépitée, je me suis assise dans un coin sombre. Que croyais-je ? Qu’elle allait trottiner autour de moi en disant : « Marie ! Marie ! Comme tu
m’as manquée depuis hier ! Tiens, viens voir ce que j’ai gravé sur ce tronc pour toi : Ulsan et Marie, amies pour la vie. »
Hé, ho ! On n’est pas dans un Walt Disney. Arthur, qui aime bien quand je me fais toute petite, est venu vers moi pour me consoler. Il a
posé une patte sur mon épaule et m’a dit : « Aller, baisse pas les bras. Tu te souviens comme je t’en ai fait baver : je tirais au renard quand tu m’attachais, j’étais super
chatouilleux quand tu voulais me panser, je bottais quand tu tentais de me curer les pieds, je me suis même cabré lors de notre première sortie. Et maintenant, je suis le plus doux de tous les
ânes, le plus sage, le plus docile. »
Je lui ai répondu « Mouais, pas encore tout à fait. Hé ! Mais j’avais dit qu’on n’était pas dans un dessin animé, et chuis pas Shrek
moi ! ».
Il allait me rétorquer un truc qui vanne bien, mais la mule l’a bousculé.
J’avais froid, j’en avais marre. J’ai libéré mes zigotos, les rendant à leurs copines, et je suis repartie vers mon chez moi triste comme un
ménhir.